L'huile de palme responsable : vérité ou mensonge ?
Ecrit le 22.Jan.20 par Anne-Marie — Mis à jour le 24.Dec.20
A force de photos chocs de forêts dévastées et d'orangs-outans décimés, l'image de l'huile de palme en a pris un sacré coup. Et c'est mérité ! Pourtant, la matière grasse la plus consommée au monde est toujours présente dans un produit sur deux, en grande distribution. Mais les industriels nous l'assurent : pas d'inquiétude, leur huile est responsable. Un logo vert en forme de palmier nous permettrait donc de consommer notre pâte à tartiner en toute bonne conscience ? Méfiance...
C'est quoi, le problème, avec l'huile de palme ?
L'huile de palme est emblématique de notre acharnement à détruire notre planète. Pourquoi un tel dèsastre ? Parce que le palmier qui produit le fruit dont on l'extrait ne pousse qu'en région équatoriale et que la production d'huile de palme est à 85% concentrée sur une toute petite zone : l'Indonésie et la Malaisie. Or, on y trouve les forêts primaires les plus biodiversifiées au monde, des forêts vierges jamais détruites ou vraiment exploitées. Un trèsor écologique !
Mais les forêts, ça prend de la place... et n'en laisse pas des masses pour les palmiers à huile. Un détail, pour les industriels : il suffit d'en faire ! Leurs motivations ? Le quart du marché mondial de toutes les huiles végétales confondues soit 70 millions de tonnes produites en 2018, plus de 2,2 tonnes chaque seconde. +100% en douze ans ! Aussi, chaque jour depuis des décennies, ce sont des milliers d'hectares de forêt qui partent en fumée : 80% des forêts indonésiennes sont aujourd'hui touchées par le déboisement, leur surface a diminué de moitié depuis 1960. Mais puisqu'on y replante des palmiers, est-ce si grave ? Oui !
Parce que les palmiers à huile sont des plantes : ils capturent trois fois moins de CO2 que les arbres tropicaux qui, eux, en stockent d'énormes quantités... libérées par les incendies permanents. La région suffoque : l'Indonésie est le 3e émetteur mondial de gaz à effet de serre, après la Chine et les USA.
Et l'habitat naturel de centaines d'espèces animales en est bouleversé : tigres ou éléphants de Sumatra, rhinocéros de Bornéo, orangs-outans... sont en danger critique d'extinction. Le déclin de la biodiversité de ces riches écosystèmes n'est plus un risque : il est bien enclenché. Un orang-outan meurt toutes les 2 heures, victime de l’industrie de l'huile de palme.
Enfin, cette industrie est hautement polluante et une catastrophe sociale : production à base de produits toxiques, recours à des pesticides cancérigènes neurotoxiques interdits depuis des années en Europe, exploitation des communautés locales... Amnesty International y dénonce régulièrement travail des enfants, travail forcé et conditions sanitaires honteuses. Mais tout cela ne fait apparemment pas le poids face à ce nouvel or rouge-orangé économiquement très rentable et aux débouchés assurés. Afrique et Amérique du Sud s'y sont d'ailleurs engouffrées à leur tour...
L'huile de palme responsable : 100% greenwashing
Mais il y a une chose à laquelle les industriels sont attentifs : leurs ventes. Or, plus informés et soucieux de mieux consommer, 7 français sur 10 se disent aujourd'hui attentifs à éviter l'huile de palme dans leur alimentation. Et l'industrie de l'huile de palme l'a pressenti dès 2004. Elle a alors créé, avec ses clients industriels et des ONG comme WWF, la RSPO, Table ronde pour l'Huile de Palme Durable. Son objectif ? Restaurer son image. Comment ? En définissant un code de bonne conduite pour une production plus éthique et en créant un label associé, le CSPO, Certified Sustainable Palm Oil. Intéressant... sur le papier.
Car en réalité, ce label ne garantit rien. Différents niveaux de labellisation donnent tous droit à coller un joli logo GreenPalm sur ses produits. Il est possible d'appliquer tous les critères de bonne conduite à 100% de sa production ou seulement à une partie, peu importe ce qui est fait par ailleurs. Et que risquent les entreprises labellisées qui ne respectent pas les critères ? Un blâme. Au pire une exclusion généralement temporaire... Mais la palme revient au 3e niveau, le certificat GreenPalm : il... s'achète ! En échange d'une contribution financière, l'entreprise a le droit d'apposer le logo CSPO sur ses produits contenant 0% d'huile responsable. Crédibilité zéro !
De toute façon, même respecté à 100%, son contenu est très insuffisant. Il n'interdit ni les pesticides neurotoxiques polluants ni la dèsastreuse technique du brûlis. Et s'il s'auto-déclare champion de la lutte contre contre la déforestation, il ne protège que les forêts primaires actuelles. Les forêts secondaires, qui ont repoussé après avoir été exploitées, restent bonnes à détruire. Oui : des palmeraies trônant sur une forêt primaire brûlée avant 2005 sont proclamées éthiques et une entreprise labellisée peut brûler quotidiennement des hectares de forêt secondaire. Jolie technique de blanchiment ! Et facile : dans certaines zones à peine 15% des forêts sont protégées. Comble de l'hypocrisie : pour afficher un déboisement moins important, des entreprises s'approprient les terres agricoles de communautés locales qui, elles, doivent déboiser pour se nourrir...
Bref, le label n'a rien changé. Déboisements et incendies continuent même dans des forêts protégées, des centaines de conflits opposent toujours industriels et habitants, expropriés et empoisonnés par leurs propres terres... L'huile de palme responsable est une arnaque au consommateur, une creuse opération de communication.
Une huile de palme responsable, est-ce possible ?
Sur le papier, l'huile de palme a pourtant de vrais atouts écologiques avec un rendement à l'hectare bien supérieur à toutes les autres huiles (heureusement : imaginez l'ampleur des dégâts supplémentaires, sinon...). D'autres initiatives ont été lancées, comme le Palm Oil Innovation Group, le RSPO a encore récemment renforcé ses critères sur les gaz à effet de serre ou les droits humains... Mais tout cela est vain : l'idée même d'une huile de palme responsable est vouée à l'échec.
Certes, elle a déjà été durable : lorsqu'elle était produite et consommée localement en Afrique. Car voilà le nœud du problème : sa surconsommation mondiale. Aucune certification ne peut enrayer l'anéantissement de la biodiversité dans ses zones de culture, compenser les conséquences d'une monoculture industrielle ultra-intensive quand la demande internationale se concentre à ce point sur UN produit. Ce sont nos industries – agroalimentaire, cosmétiques, biocarburants- et leur obsession monomaniaque pour l'huile de palme qui détiennent la clé. Et c'est là que nous, consommateurs, avons un réel moyen de pression. En supprimant autant que possible l'huile de palme de notre quotidien.
En agroalimentaire, c'est assez simple : bannissez plats préparés, pâtisseries et snacks industriels et vous supprimerez peut-être 90% de l'huile de palme de vos repas ! Vous échapperez en plus à ses acides gras saturés néfastes pour notre santé cardio-vasculaire, le cholestérol ou le diabète. Des acides gras souvent trans, donc cancérigènes, car l'huile de palme est généralement hydrogénée. Attention, les industriels rivalisent d'idées pour la faire passer incognito : stéarine, oléine de palme... Huile végétale ou graisse végétale sans plus de précision sur votre paquet de chips ? Vous pouvez parier qu'il s'agit d'huile de palme.
Côté cosmétiques, c'est un peu plus compliqué : si 24% de la production mondiale d'huile de palme est utilisée en cosmétique, vous ne trouverez quasiment jamais son appellation INCI Elaeis Guineensis Oil. Elle est quasiment partout, oui, mais derrière des centaines de dérivés aux noms complexes : repérez les préfixes lauryl-, stear-, palm-, cetear-, dodec-, myr(ist)- sur vos gels douches, shampoings, mascaras, crèmes, fonds de teint...
Il faut dire qu'elle a des atouts : hydratante et nourrissante lorsqu'elle est pure, peu chère et facile à conserver, elle remplit à peu de frais les flacons et stabilise les textures. Un composant idéal ? Pas pour nous. Chez oOlution, nous avons fait un choix différent : miser sur l'immense variété des huiles végétales. En multipliant les huiles végétales de qualité dans chacun de nos soins plutôt qu'en écoulant des litres d'huile de palme, nous faisons une croix sur d'importantes économies d'échelle. Mais nous offrons des soins complets à votre peau sans participer aux pressions environnementales et sociales de la monoculture. Et c'est une grande fierté ! 3 années de recherche – développement ont été nécessaires pour donner naissance à la première marque cosmétique au monde garantie sans aucun dérivé d'huile de palme, huile estérifiée ou hydrogénée. Vraiment aucun : nous avons vérifié pour chacun de nos ingrédients qu'aucune goutte d'huile de palme n'était utilisée à aucune étape de leur production.
Nos choix de consommation cautionnent ou non ce dèsastre qu'est l'huile de palme. Ça n'est pas simple : privilégier les huiles de palme labellisées n'est qu'un trompe-l’œil, mais arriver à une consommation zéro huile de palme est très compliqué. Elle a investi tous les secteurs, jusqu'à nos cachets de paracétamol ! Et cela n'est pas prêt de s'arrêter : les enjeux financiers, les pressions commerciales internationales sont énormes. Des dérivés d'huile de palme bénéficient même d'exonérations fiscales au nom de l'écologie : pour favoriser les biocarburants qui y ont recours. Quelle ironie ! Mais des ONG continuent d'alerter afin de faire bouger les choses, aidons-les ! En rejetant dès que nous le pouvons les produits qui en contiennent, en interpellant industriels et commerçants sur les réseaux sociaux, en informant notre entourage... Be the change !
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