Exposition aux UV solaires ? Pas d’hésitation, c’est crème solaire obligatoire. Mais, pensant protéger notre peau et notre santé des dangers du soleil, on s’expose alors à des substances pas toujours recommandables, filtres solaires anti-UV en tête. Parmi eux : l’octocrylène. Très courant, y compris dans des cosmétiques non solaires, ses dangers viennent d’être démontrés par une étude alarmante. On vous dit tout.
L'octocrylène : danger pour notre santé et la planète !
Ecrit le 17.Mar.21 par Anaïs Marty — Mis à jour le 08.Jun.21
L’octocrylène, kesako ?
Pour les filtres solaires, autorisé ne veut pas dire sans danger
Les filtres solaires font partie des ingrédients cosmétiques les plus strictement encadrés en Europe : le règlement cosmétique européen en autorise seulement une petite trentaine, tous évalués par le Comité Scientifique Européen pour la Sécurité des Consommateurs (CSSC). Rassurant, non ?
Hélas… Malgré cette réglementation, les filtres solaires figurent également en bonne place sur le podium des cosmétiques problématiques. Car leur place dans cette liste est principalement assurée par un critère : leur efficacité anti-UV. Leurs effets sur la santé, la peau ou l’environnement ? A part quelques restrictions ou réserves, cela ne va pas chercher bien loin. Donc non : un filtre solaire autorisé n’est pas forcément sûr pour la santé ni même pour la peau. Encore moins pour l’environnement. Rien d’étonnant à ce que des scandales éclatent au fur et à mesure que des scientifiques se penchent sur cette liste ! Dernier en date : l’octocrylène. Parfaitement autorisé, hyper courant… et soupçonné de longue date d’être très problématique. Ce qui est aujourd’hui confirmé.
L’octocrylène, un filtre solaire courant
Filtre solaire synthétique constitué de composés de carbone modifiés chimiquement, l’octocrylène est très efficace contre les UVB, principaux responsables du bronzage mais aussi des coups de soleil, brûlures et de la grande majorité des cancers de la peau. L’octocrylène absorbe également une petite partie des UVA, plus particulièrement responsables du vieillissement prématuré de la peau.
Dans certains pays, on le retrouve dans 85% des crèmes solaires ! Car il a 2 trucs en plus pour l’industrie cosmétique :
• visqueux, il résiste à l’eau et reste efficace plutôt longtemps après application : le top pour des crèmes solaires waterproof, protectrices pendant la baignade, et dont on n’a pas besoin de renouveler l’application trop fréquemment. Un argument commercial de poids.
• il est également photostable, qualité qui fait défaut à certains filtres solaires. C’est pourquoi, dans les crèmes solaires, on le retrouve souvent en binôme avec l’avobenzone, très efficace contre les UVA, qu’il stabilise. Mais aussi dans divers cosmétiques qu’il protège des dégradations liées aux UV.
Avec un tel palmarès, on retrouve logiquement l’octocrylène dans nombre de cosmétiques de toutes marques : crèmes solaires waterproof, évidemment, mais aussi crèmes anti-âge, soins hydratants, autobronzants, shampoings, fonds de teints, vernis à ongle ou même maquillages pour enfants…
Quel est le problème avec l’octocrylène ?
Le problème ? Les problèmes !
L’effet néfaste de l’octocrylène sur l’environnement est bien connu
Comme quasiment tous les filtres solaires, l’octocrylène est dévastateur pour les fonds marins. Il se décompose en toxiques qui détruisent les fonctions vitales des coraux. Néfaste à faible concentration, il est de plus particulièrement bioaccumulable : il persiste longtemps et s’accumule au fil du temps dans les organismes. Toutes nos eaux usées et eaux de baignades -mer, lagons, lacs, étangs, rivières…- sont concernées, polluées par nos crèmes solaires, shampoings… Dans les eaux douces, ses victimes connues à ce jour sont les petits crustacés. On a mis longtemps à mettre ces effets en évidence, mais ils sont aujourd’hui irréfutables. Certains laboratoires ont même retiré l’octocrylène de leurs produits solaires pour raisons environnementales (mais l’ont remplacé par d’autres filtres solaires pas plus recommandables…). Afin de protéger leurs récifs coralliens, les Îles Vierges, les îles Marshall ou encore Palaos en Micronésie interdisent les crèmes solaires contenant de l’octocrylène.
Côté santé, le bilan de l’octocrylène n’est pas plus fameux…
Pour la peau, déjà, l’octocrylène n’est pas la panacée : irritant et allergisant, il peut carrément provoquer des dermatites atopiques.
De longue date, il est soupçonné d’être photo-allergisant - gênant pour un filtre solaire, non ? - et perturbateur endocrinien. Cela faisait déjà beaucoup… jusqu’à ce qu’une étude qui a fait grand bruit mette en évidence des risques encore plus préoccupants.
Cette récente étude franco-américaine a établi que l’octocrylène dégage de la benzophénone, un composé cancérigène, mutagène et perturbateur endocrinien. Enfin, cela n’est pas vraiment nouveau : on savait déjà que l’octocrylène est contaminé par la benzophénone et qu’aucun traitement ne l’en débarrasse totalement. Mais jusque-là, la réglementation considérait que c’était dans des taux acceptables.
Sauf que cette étude démontre que plus le temps passe, plus la quantité de benzophénone émis par un cosmétique contenant de l’octocrylène est importante. Plutôt ironique de vieillir aussi mal pour un ingrédient cosmétique censé nous protéger du vieillissement… On pourrait même lui décerner le grand prix de l’ironie cosmétique : la benzophénone est également soupçonnée d’être un photomutagène. Traduction : sous l’effet de la lumière, elle abîme notre ADN et augmente le risque de cancers de la peau. Dont les filtres solaires sont censés nous protéger. Ah.
Et aucune mesure de précaution ne permet de l’éviter : cette réaction se produit sans oxygène, même dans un flacon ou tube hermétiquement fermé, que votre crème ait déjà été ouverte ou non.
Comment se protéger de l’octocrylène ??
L’octocrylène, toujours autorisé en cosmétique
Evidemment, laboratoires et marques se défendent : l’octocrylène est autorisé, son dosage encadré par la législation cosmétique la plus protectrice au monde et ne dégage de la benzophénone qu’en quantité négligeable. En bref : circulez, il n’y a rien à voir... tout en concédant que, certes, l’octocrylène doit faire l’objet d’une surveillance renforcée tout au long de son cycle de vie et que oui, oui, on sait bien et depuis longtemps qu’il contient de la benzophénone.
Alors, faut-il vraiment s’en inquiéter ? Oui.
Le Centre International de Recherche sur le Cancer de l’OMS estime que les preuves sont suffisantes pour considérer la benzophénone comme cancérigène potentiel pour le foie, le système lymphatique, néfaste pour le fonctionnement de la thyroïde et le développement des organes reproducteurs masculins comme féminins. Et elle est facilement absorbée par la peau : la même étude conclut que 70% de la benzophénone émise par un cosmétique passe la barrière cutanée.
On sait aussi que chaque application d’un cosmétique contenant de l’octocrylène expose au benzophénone, même à petite dose. Et que la nocivité des perturbateurs endocriniens n’est pas liée à la dose mais à la fréquence et la durée d’exposition.
Les chercheurs, eux, appellent à l’interdiction de l’octocrylène en cosmétique de toute urgence. D’autant que, selon eux, d’autres effets de l’octocrylène restent encore à étudier. La réponse des autorités à ce jour ? Le dernier avis du CSSC de janvier 2021 réaffirmait la sécurité de l’octocrylène aux doses autorisées en Europe. Sur la base de données encore incomplètes.
Dans tous les cas, la réglementation risque d’être lente à éventuellement évoluer vers des décisions plus protectrices. La seule solution ? Prendre les choses en main individuellement et bannir l’octocrylène de tous vos cosmétiques. Pour vous protéger, pour préserver l’environnement, et peut-être, si les marques voient leurs ventes chuter, les inciter à chercher d’autres formulations..
Comment se passer de l’octocrylène dans les cosmétiques ?
Bonne nouvelle, éviter l’octocrylène est plutôt simple : il figure clairement dans les listes INCI sous nom, souvent écrit Octocrylen. Décortiquez les étiquettes, assurez-vous d’opter pour les crèmes -solaires ou non-, shampoings ou maquillage les plus naturels et transparents possible. Evitez autant que possible les vernis à ongles, l’octocrylène est loin d’être leur seul problème.
Evidemment, bannissez les crèmes solaires contenant de l’octocrylène. Vos crèmes solaires de l’été dernier en contiennent ? Ne les réutilisez surtout pas. Ne les videz pas non plus dans les toilettes ou le lavabo : elles iraient directement contaminer les eaux. Leurs substances pétrochimiques (eh oui) les destinent aux déchets ménagers. Pas terrible, on est d’accord, mais on n'a pas de meilleure solution...
Traquer l’octocrylène sera hélas insuffisant à protéger votre santé et l’environnement des filtres solaires. Pour faire au mieux :
• choisissez toujours vos crèmes anti-âge et hydratantes sans filtre solaire. D’autant que leur efficacité n’est vraiment pas convaincante : des actifs naturels antioxydants protégeront bien mieux votre peau des effets des UV au quotidien (on vous dit plus dans notre article Quels sont les dangers des filtres solaires dans nos crèmes ? )
• mais bien sûr, en cas d’exposition solaire, hors de question de faire l’impasse sur la crème solaire. Et là, ça se complique : les crèmes solaires sont un véritable souci pour la santé et l’environnement. La vraie crème solaire naturelle, respectueuse de la santé, de la peau et de l’environnement, efficace reste à inventer. Pour l’instant, on ne peut que se contenter de la moins pire…
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